
Pauline Mispoulet et Julien Klys du groupe SOCODA nous livrent une vision pragmatique et inspirante de la RSE appliquée à un réseau de 200 distributeurs indépendants.
Leur approche démontre qu'il est possible de mobiliser des PME territoriales autour d'enjeux environnementaux et sociaux, même sans rapport hiérarchique.
Un modèle économique ancré dans les territoires
Le groupe SOCODA représente une réalité économique souvent méconnue : celle des PME qui constituent le tissu de fond de l'économie française. Avec ses 200 distributeurs indépendants générant 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires et employant 13 000 collaborateurs, SOCODA illustre parfaitement ce que les économistes appellent un "modèle économique encastré socialement".
"96% des entreprises ont moins de 50 salariés. Et c'est plus des deux tiers des salariés qui travaillent dans des PME", rappelle Pauline Mispoulet.
Cette réalité statistique cache une vérité économique fondamentale : contrairement aux grandes entreprises, les PME redistribuent 100% de leur valeur créée sur leur territoire d'implantation, que ce soit par les salaires, la consommation locale ou les impôts.
Les défis spécifiques d'un réseau décentralisé
Animer une démarche RSE dans un système décentralisé nécessite une approche radicalement différente des méthodes traditionnelles. Comme l'explique Pauline Mispoulet :
"On n'a aucun rapport d'autorité par rapport à nos distributeurs. Donc toute forme d'obligation ou de système descendant est complètement inopérant."
Cette contrainte apparente devient en réalité un atout, forçant l'organisation à développer des méthodes basées sur :
- La pédagogie plutôt que l'autorité : convaincre par l'exemple et la démonstration
- Le respect de la diversité territoriale : adapter les approches aux spécificités locales
- La patience et la persévérance : accepter un rythme de déploiement plus lent mais plus durable
Une méthodologie éprouvée en trois étapes
1. Créer une communauté d'intérêts
La première victoire de SOCODA a été de constituer une commission RSE avec quinze adhérents volontaires. Cette démarche bottom-up a permis d'identifier les vrais besoins du terrain et de créer une dynamique d'entraide.
"La RSE dans l'entreprise, c'est parfois un chemin solitaire. Se dire je rencontre d'autres personnes qui ont ces mêmes problématiques et de pouvoir en parler ensemble, ça soulage d'être dans une communauté qui partage les mêmes problématiques", souligne Pauline Mispoulet.
2. Capitaliser sur les bonnes pratiques
Avec plus de 400 actions RSE recensées sur leur plateforme collaborative, SOCODA a créé une véritable base de connaissances partagées. Cette approche permet à chaque adhérent de s'inspirer des réussites de ses pairs et d'adapter les solutions à son contexte local.
3. Démystifier et accompagner
Les "Soco Days", journées d'animation organisées par Julien Klys, permettent aux distributeurs de passer "du mode problème au mode solution" en une journée. Cette approche concrète transforme des sujets perçus comme anxiogènes en opportunités accessibles.
L'économie circulaire : de l'expérimentation à l'industrialisation
Le projet d'économie circulaire de SOCODA, récompensé par le Prix Pépite Impact Local 2025, illustre parfaitement leur capacité d'innovation. En partenariat avec l'industriel Vesto, ils développent une filière complète de reconditionnement d'outillage électroportatif.
Les étapes clés du projet :
- Test avec une dizaine de machines pour valider la faisabilité
- Collecte de 150+ machines lors de l'opération Movember 2024
- Création d'une plateforme logistique avec service SAV intégré
- Extension progressive à d'autres familles de produits
"On pense que le marché de la seconde main s'étend partout. Ce serait une erreur pour nous de ne pas permettre à nos adhérents de voir ça et de leur proposer un moyen de mettre un pied là-dedans", explique Julien Klys.
La responsabilité territoriale : une réalité déjà vécue
Bien avant la conceptualisation de la Responsabilité Territoriale des Entreprises (RTE), les adhérents SOCODA pratiquaient déjà cet ancrage local.
L'exemple de Clisson Métal, qui a signé une convention avec le SDIS pour libérer un salarié pompier volontaire 16 heures par mois, illustre cette responsabilité naturelle des PME envers leur communauté.
"Le dirigeant d'une PME, tout le monde le connaît. Les enfants vont à l'école ensemble. Il y a une vie sociale dans l'entreprise. Et donc, ça porte aussi la responsabilité",
Une vision équilibrée face aux défis économiques
Contrairement aux discours qui opposent écologie et économie, SOCODA assume une approche intégrée qui refuse ces faux dilemmes. Pauline Mispoulet, forte de 20 ans d'expérience sur ces sujets, rappelle :
"Depuis 2005 que je m'intéresse au sujet, on a le sujet de l'économie entre les pieds. Si on attend qu'il y ait un bon moment économique, ça va être très compliqué. Cette opposition d'écologie et d'économie, c'est une erreur d'approche."
Les clés du succès : pragmatisme et persévérance
Pour les entreprises souhaitant s'engager dans une démarche similaire, SOCODA livre deux conseils essentiels :
L'approche "virage par virage" : plutôt que de se focaliser sur l'ampleur de la tâche, se concentrer sur chaque petite victoire successive, comme le recommande Pauline Mispoulet avec sa métaphore de la course en montagne.
Ne jamais agir seul : constituer un noyau dur de personnes motivées pour créer une dynamique collective, selon Julien Klys.
Cette expérience SOCODA démontre qu'il est possible de mobiliser efficacement des réseaux décentralisés autour d'enjeux RSE, à condition d'adapter ses méthodes à la réalité du terrain et de faire preuve de patience dans la durée.
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