Résumé

La RSE traditionnelle, pilotée depuis le siège avec des actions cosmétiques, atteint ses limites. En 2025, cinq mutations structurelles redéfinissent les règles : la RSE devient une discipline de performance économique, les réseaux d'ambassadeurs se professionnalisent ou disparaissent, les actions symboliques cèdent la place à des projets transformants, le terrain s'impose comme moteur d'innovation, et l'adoption progressive remplace le déploiement uniforme. Les organisations qui réussissent leur transformation durable sont celles qui reconnectent stratégie et terrain, donnent aux équipes locales les moyens d'agir, et démontrent systématiquement le lien entre initiatives RSE et performance business. La question n'est plus de savoir si la RSE a sa place, mais comment la transformer en véritable levier de création de valeur collective.

Pendant des années, les entreprises multi-sites ont déployé leurs stratégies RSE depuis le siège, avec l'espoir qu'elles s'incarnent naturellement sur le terrain.

Résultat : des initiatives déconnectées des réalités opérationnelles, des ambassadeurs essoufflés, et des collaborateurs de plus en plus sceptiques face aux actions cosmétiques. Mais 2025 marque un tournant.

Les organisations qui réussissent leur transformation durable ont compris une vérité simple : la RSE ne se décrète pas, elle se construit localement. Et surtout, elle ne survit que si elle renforce directement la performance économique.

Notre analyse des pratiques actuelles révèle cinq mutations structurelles qui redessinent le paysage de la RSE en entreprise :

  1. La RSE comme discipline de performance
  2. Les ambassadeurs se professionnalisent ou disparaissent
  3. La fin de la "RSE de vernissage"
  4. Le terrain sous-exploité
  5. L'adoption progressive plutôt que l'uniformité

Décryptage.

1. La RSE devient une discipline de performance, pas de communication

Fini le temps où la RSE se justifiait par l'amélioration de l'image ou la conformité réglementaire. Les démarches qui s'imposent aujourd'hui sont celles qui établissent un lien explicite avec les indicateurs business : réduction des coûts opérationnels, amélioration de la productivité, différenciation commerciale, rétention des talents.

Prenons l'exemple d'Easy Cash, qui a repensé sa stratégie de sobriété énergétique non comme une contrainte environnementale, mais comme un levier de compétitivité. En moins de deux ans, l'enseigne a réduit de 15% ses coûts d'exploitation tout en positionnant ses magasins comme des acteurs de l'économie circulaire locale. Le discours RSE s'est transformé en argument commercial.

Cette évolution traduit un changement culturel profond : les directions régionales n'arbitrent plus uniquement selon des critères éthiques, mais selon la capacité d'un projet RSE à nourrir leurs objectifs de performance. Sans cette connexion tangible, même les initiatives les mieux intentionnées peinent à mobiliser les budgets et l'attention.

L'impératif stratégique : Chaque projet RSE doit répondre à une question simple : "En quoi renforce-t-il notre modèle économique ?"

Les entreprises leaders construisent désormais des "business cases RSE" documentés, s'appuyant sur 2-3 sites pilotes pour démontrer l'impact avant de généraliser.

2. Le modèle des ambassadeurs se professionnalise ou disparaît

Entre 2021 et 2024, le modèle des réseaux d'ambassadeurs RSE s'est généralisé. Leroy Merlin, grands groupes mutualistes, enseignes de distribution : tous ont structuré des réseaux censés diffuser la culture RSE localement. Mais en 2025, une bifurcation s'opère.

D'un côté, certaines entreprises comme Easy Cash parviennent à animer efficacement leur démarche sans réseau formel, en s'appuyant directement sur les managers de proximité. De l'autre, des organisations comme Leroy Merlin réévaluent leur modèle pour passer d'ambassadeurs par site à des référents par fonction métier.

Ce réalignement traduit une question inconfortable : beaucoup d'ambassadeurs manquent de légitimité opérationnelle ou de capacité d'action réelle. Nommés pour leur motivation plutôt que leur influence, ils deviennent des "postes symboliques" sans impact structurant.

La recommandation : Avant de poursuivre ou restructurer un réseau d'ambassadeurs, posez-vous trois questions : (1) Ces personnes sont-elles écoutées dans leur organisation ? (2) Ont-elles les moyens d'initier des projets à impact ? (3) Leur rôle est-il reconnu par leur hiérarchie ?

Si les réponses sont négatives, mieux vaut pivoter vers un modèle plus ancré dans les lignes managériales.

3. L'ère de la "RSE de vernissage" est terminée

Suppression des gobelets en plastique, journées sans email, tri sélectif symbolique : ces actions ont longtemps servi de porte d'entrée aux démarches locales. Mais elles atteignent leurs limites. Les collaborateurs, notamment les plus engagés, attendent désormais des projets substantiels, alignés sur les enjeux réels de l'entreprise et du territoire.

Les pratiques superficielles ne mobilisent plus. Pire, elles décrédibilisent. Une étude interne menée par un grand groupe de distribution a révélé que 62% des salariés considéraient les actions RSE comme "du greenwashing" tant qu'elles restaient déconnectées des transformations métiers.

Les attentes ont évolué : sobriété énergétique structurelle, économie circulaire intégrée aux processus, inclusion territoriale, adaptation des métiers au changement climatique. Les organisations matures acceptent désormais de réduire le nombre d'initiatives pour concentrer leurs efforts sur une ou deux actions transformantes, capables de produire un impact mesurable.

Le principe directeur : Moins d'actions, plus d'impact. Mieux vaut un projet ambitieux qui transforme réellement une pratique métier que dix initiatives cosmétiques.

Cette concentration renforce la crédibilité et crée un cercle vertueux : chaque réussite locale nourrit la stratégie globale.

4. Le terrain est prêt, mais sous-exploité

Contrairement à une idée reçue, l'engagement des collaborateurs ne faiblit pas. Dans un contexte marqué par les incertitudes économiques et politiques, le terrain reste un terreau fertile pour la RSE. Les équipes locales manifestent une envie croissante de s'impliquer, à condition que leur action ait du sens et qu'elles puissent la relier à leur quotidien.

Le défi pour les entreprises multi-sites n'est donc pas de créer l'engagement, mais de l'orchestrer. Trop souvent, les sièges sous-estiment cette capacité d'action locale et freinent l'autonomie des sites par excès de contrôle ou manque d'outillage.

Pourtant, c'est bien là que la dynamique RSE se concrétise. Les transformations les plus significatives émergent rarement du siège. Elles naissent de l'adaptation d'une directive nationale à un contexte territorial spécifique, portée par des équipes qui en comprennent les enjeux opérationnels.

La clé opérationnelle : Décentraliser sans désordonner. Cela passe par des cadres d'action partagés (plans d'animation thématiques, chartes locales) et des outils collaboratifs permettant de mutualiser les idées et valoriser les réussites.

Les plateformes d'engagement RSE, quand elles sont bien déployées, jouent ici un rôle central : elles facilitent la coordination tout en rendant l'impact terrain visible et mesurable.

5. L'adoption progressive bat l'uniformité forcée

Vouloir déployer la RSE uniformément sur tous les sites simultanément est une erreur stratégique classique. Toutes les entités ne se situent pas au même stade de maturité. Certaines ont développé une culture d'engagement solide ; d'autres en sont au stade exploratoire.

Les démarches les plus efficaces s'appuient sur la courbe d'adoption du changement : concentrer d'abord les efforts sur les 10 à 15% de sites les plus moteurs pour créer une masse critique et inspirer les autres par l'exemple. Ces "sites pionniers" deviennent des laboratoires d'apprentissage collectif, démontrant la valeur de la démarche avant de l'étendre.

Cette approche progressive permet d'ancrer durablement la RSE dans la culture d'entreprise plutôt que de la diffuser artificiellement par injonction. Elle génère également des "histoires chiffrées" crédibles qui convainquent les directions régionales sceptiques.

Le modèle d'essaimage : Le rôle du siège n'est plus de tout piloter, mais d'orchestrer la diffusion en documentant les réussites et en outillant les équipes pour qu'elles se les approprient. Les sites pionniers deviennent les meilleurs ambassadeurs de la transformation.

Ce que cela signifie pour votre organisation

La RSE locale représente la nouvelle frontière de la transformation durable. Mais réussir cette transition exige de rompre avec trois réflexes bien ancrés :

Arrêter de chercher l'uniformité. La force d'une démarche RSE multi-sites réside dans sa capacité d'adaptation territoriale, pas dans sa standardisation.

Abandonner la logique de reporting pour celle d'impact. Les indicateurs doivent mesurer les transformations réelles, pas la conformité formelle.

Reconnecter stratégie et terrain. Les meilleures décisions RSE ne se prennent pas au siège, mais en dialogue constant avec les équipes locales qui en comprennent les implications opérationnelles.

Les organisations qui embrassent cette complexité — une gouvernance plus partagée, des indicateurs plus vivants, une ambition tournée vers l'impact réel plutôt que la vitrine — font de la RSE un véritable moteur de création de valeur collective. Les autres continuent de produire des rapports que personne ne lit.

La question n'est plus de savoir si la RSE a sa place dans votre stratégie.

Elle est de savoir si vous êtes prêt à lui donner les moyens de transformer réellement votre organisation.

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