Alors que les entreprises sont confrontées à une montée en puissance des exigences sociales et environnementales, une tendance émerge de manière silencieuse mais structurante : celle de l’ancrage territorial. En s’intéressant non plus uniquement à leur impact global mais à leur rôle dans leur environnement immédiat, les organisations ouvrent une nouvelle phase de la responsabilité sociétale des entreprises : celle de la RSE locale.
Cette approche, parfois nommée Responsabilité Territoriale des Entreprises (RTE), repose sur une conviction simple : une entreprise ne crée pas de valeur durable en se coupant du territoire qui la fait vivre. Elle y recrute, y achète, y vend, y construit ses relations et, dans les périodes de tension, c’est aussi ce territoire qui l’aide à tenir. Or, malgré l’évidence de ce lien, peu de structures ont aujourd’hui une stratégie formalisée pour le renforcer. Voici comment y remédier :
Comprendre avant d’agir. La première étape est une phase d’écoute et de compréhension. Trop souvent, les entreprises surestiment leur connaissance du territoire qui les entoure. Elles ignorent les tensions locales ou, au contraire, les ressources sous-exploitées qui pourraient soutenir leur développement. C’est pourquoi un diagnostic territorial constitue un point de départ essentiel. Il ne s’agit pas d’un audit classique, mais d’un outil stratégique pour identifier les enjeux locaux, comprendre la perception de l’entreprise par ses parties prenantes, et détecter les leviers de coopération.
Ce diagnostic permet de croiser plusieurs dimensions : données économiques, réseaux de fournisseurs, emploi local, perception citoyenne, environnement naturel. Il fait émerger les zones de friction et les zones d’opportunité. Concrètement, il peut révéler qu’une entreprise exportatrice recrute difficilement en local alors qu’un organisme de formation voisin peine à placer ses jeunes diplômés, ou que des synergies pourraient être créées avec d'autres entreprises sur des enjeux de logistique ou de sobriété énergétique.
Une ambition alignée avec l’identité de l’entreprise. Ce travail de diagnostic n’a de valeur que s’il alimente une réflexion stratégique. La RSE locale ne consiste pas à ajouter une couche d’actions déconnectées, mais à prolonger la mission de l’entreprise à travers le prisme du territoire. Elle nécessite de clarifier la manière dont l’organisation contribue — ou souhaite contribuer — au développement local. Ce positionnement doit être explicite. Une entreprise industrielle peut par exemple viser la sécurisation de son recrutement en investissant dans les filières de formation locales. Une coopérative agricole peut chercher à renforcer les circuits courts dans un rayon de 50 kilomètres. Un acteur du numérique peut viser l’inclusion sociale en proposant des formations ou des emplois à des publics éloignés de l’emploi. Ce qui compte, ce n’est pas la taille du projet, mais sa cohérence avec l’ADN de l’entreprise.
Des objectifs précis, mesurables, compréhensibles. Toute stratégie, pour être pilotable, doit être mesurable. Cela est particulièrement vrai pour la RSE territoriale, car les actions mises en place peuvent facilement se diluer dans le quotidien. Il est donc indispensable de fixer des objectifs concrets, fondés sur des indicateurs que l’entreprise maîtrise et qui ont du sens pour ses parties prenantes. Ces objectifs doivent être compréhensibles, tant en interne qu’en externe. Recruter localement, réorienter ses achats vers des prestataires de proximité, financer des initiatives sociales, réduire ses externalités négatives visibles sur le territoire : toutes ces actions peuvent être quantifiées, suivies et valorisées.
D'autant plus, qu'aucune stratégie ne peut être pilotée sans évaluation. Mesurer les impacts d’une politique RSE locale, ce n’est pas une exigence administrative. C’est une opportunité de crédibiliser son engagement, de mobiliser ses équipes, et de convaincre ses parties prenantes. L’entreprise doit pouvoir démontrer, chiffres à l’appui, comment elle contribue à l’économie locale, à la cohésion sociale ou à la transition écologique. Des outils existent aujourd’hui pour évaluer ces impacts, qu’ils soient quantitatifs ou qualitatifs. Cette mesure peut ensuite nourrir les rapports extra-financiers (CSRD, ESG), mais aussi renforcer la cohérence de la stratégie globale de l’entreprise.
Une stratégie collective, construite avec le territoire. C’est probablement l’un des aspects les plus spécifiques — et les plus délicats — de la RSE locale : elle ne peut se construire en vase clos. Elle implique un travail de co-construction, voire d’humilité, vis-à-vis des acteurs du territoire. Cela suppose de créer des espaces de dialogue, de prendre le temps d’écouter les besoins réels, d’explorer les complémentarités avec des acteurs publics, associatifs ou économiques qui ne font pas partie du premier cercle des partenaires habituels.
Dans cette dynamique, de nombreuses entreprises découvrent qu’elles peuvent mutualiser des ressources, co-développer des solutions ou simplement gagner en efficacité en travaillant avec d’autres. C’est aussi une manière de sortir d’une logique descendante, souvent inefficace, pour entrer dans une logique de coopération ancrée.
Des actions concrètes, visibles et utiles. Le déploiement des actions doit suivre un double impératif : la clarté et la simplicité. Une RSE territoriale réussie ne se résume pas à des campagnes de communication ou à des engagements flous. Elle passe par des gestes concrets, directement lisibles par les parties prenantes locales. Offrir des opportunités d’emploi ou de stage aux jeunes du territoire, relocaliser une partie de ses achats, soutenir des projets d’intérêt général, adapter son modèle de production aux contraintes environnementales locales : autant de mesures qui, bien pensées, produisent un impact réel.
Ce sont souvent des actions modestes en apparence, mais puissantes par leur cohérence. Elles génèrent de la confiance, de la légitimité, et renforcent la résilience de l’entreprise face aux transformations à venir.
Déployer une stratégie RSE locale n’est ni un luxe réservé aux grands groupes, ni une obligation supplémentaire pour les PME. C’est un levier stratégique à la portée de toutes les entreprises qui souhaitent inscrire leur action dans la durée. Elle permet de transformer les contraintes locales en opportunités, de créer des alliances nouvelles, et de démontrer que la performance économique peut aller de pair avec la responsabilité territoriale.
À condition de jouer le jeu : écouter, dialoguer, agir et mesurer.
Article écrit à l'occasion d'un webinaire dédié au Diagnostic Territorial avec VertigoLab.
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