Dans beaucoup d’organisations, la RSE reste encore perçue comme une affaire de spécialistes. Portée par une direction dédiée, cadrée par des obligations réglementaires et consolidée à travers des indicateurs, elle peut peiner à trouver un véritable ancrage dans la vie quotidienne des collaborateurs. Et pourtant, les grandes entreprises le constatent : sans une implication large et sincère des équipes, les ambitions RSE peinent à produire une transformation réelle.
Ce paradoxe soulève une question centrale : pourquoi, malgré une appétence croissante pour les sujets de durabilité, les collaborateurs s’engagent-ils encore si peu dans les démarches RSE formalisées ?
Loin des explications simplistes, ce constat renvoie à des enjeux d’alignement, de reconnaissance, de temporalité… et à la nécessité de réinterroger en profondeur les modalités de mobilisation.

1 - Reconnecter les enjeux globaux au quotidien de travail
L’une des principales causes de déconnexion réside dans l’abstraction des sujets RSE. Climat, biodiversité, inclusion : ces thématiques sont légitimes, mais souvent formulées à un niveau conceptuel ou stratégique. Pour les collaborateurs, la question n’est pas de savoir si elles sont importantes, mais comment elles s’inscrivent dans leur périmètre d’action. L’engagement naît rarement de la seule adhésion intellectuelle ; il suppose une forme d’incarnation concrète.
C’est ce qu’a compris la SNCF Réseau, en organisant des campagnes d’action locales où chaque site pouvait choisir ses priorités selon ses réalités terrain : collecte de déchets, liens avec des associations de quartier, covoiturage interne… En partant du quotidien, l’entreprise a réconcilié stratégie nationale et appropriation locale.
2 - S’appuyer sur des relais crédibles plutôt que prescrire
Les directions RSE n’ont pas vocation à faire seules. Pour engager largement, elles doivent s’appuyer sur des relais internes qui jouent un rôle de courroie de transmission : managers de proximité, ambassadeurs RSE, référents volontaires. Ces figures sont d’autant plus efficaces qu’elles sont reconnues par leurs pairs et qu’elles bénéficient d’une autonomie d’action dans un cadre clair.
Le cas du Groupe GSF est éclairant à cet égard. En structurant un réseau d’ambassadeurs RSE sur l’ensemble de ses implantations, l’entreprise a permis un ancrage opérationnel très fin. Chaque ambassadeur bénéficie d’un kit d’action et d’un suivi individualisé. Cela a favorisé l’émergence d’une dynamique ascendante, où les initiatives remontent plus naturellement qu’elles ne descendent.
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3 -Valoriser les initiatives et les rendre visibles
L’engagement se nourrit aussi de reconnaissance. Dans de nombreuses entreprises, des actions RSE existent déjà — mais elles restent invisibles à l’échelle de l’organisation. Faute de capitalisation, elles s’épuisent ou restent isolées. À l’inverse, lorsqu’un collaborateur voit son initiative partagée, reprise ou simplement valorisée, cela crée une dynamique de confiance et d’émulation.
Le Groupe Bel a ainsi choisi de centraliser les actions RSE de ses différents sites, et les rendre visibles à l’ensemble du collectif. Cela a notamment permis à une initiative locale autour du réemploi de palettes en bois de faire école dans plusieurs autres unités de production, en France et à l’étranger.
4 - Donner du sens, sans instrumentaliser
L’un des écueils fréquents des démarches d’engagement consiste à verser dans l’injonction. Or, dans un contexte où la quête de sens devient une attente forte, les collaborateurs sont particulièrement sensibles à la sincérité de l’intention. Une mobilisation perçue comme opportuniste ou utilitaire suscite davantage de cynisme que d’adhésion.
Dans une interview publiée par Lakaa, Valérie Dumont, DRH chez Idverde, souligne l’importance d’articuler la stratégie RSE à l’histoire même de l’entreprise. “Nos équipes sont déjà engagées, parce que notre activité touche directement aux espaces naturels. Le rôle de la RSE, c’est d’aligner cette intuition de terrain avec un cap partagé.” C’est cette continuité qui rend la démarche crédible, et mobilisatrice.
6 - Installer une culture du passage à l’action
Enfin, l’enjeu n’est pas seulement d’embarquer, mais de permettre l’action. L’excès de formalisme, l’attente d’un cadre parfait ou la peur de l’échec peuvent devenir des freins implicites. À l’inverse, une culture qui valorise l’expérimentation, qui accepte l’imperfection et qui mise sur la progressivité crée un climat favorable à l’initiative.
C’est l’approche qu’a choisie GRTgaz, en proposant à ses collaborateurs des formats courts et accessibles, comme des défis RSE mensuels, animés directement sur site. Sans lourdeur logistique, ces actions ont permis de créer un réflexe d’engagement régulier, sans attendre un grand plan ou une campagne annuelle.
Ce climat ne se décrète pas, mais il peut être facilité : par des dispositifs simples, des formats d’action accessibles, des marges de manœuvre réelles. Le rôle des directions RSE est alors moins de porter l’ensemble que d’ouvrir des espaces d’autonomie structurés. L’enjeu est bien d’internaliser la responsabilité : faire en sorte que l’engagement ne soit plus seulement attendu, mais partagé.
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